Le béton de ciment en Afrique subsaharienne

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Il est important de préciser dès maintenant qu’il est sujet du béton de ciment. Cette précision est nécessaire car dans sa conception généraliste, le béton est un mélange de granulats de tailles variées et d’un agent liant. Ainsi, il existe plusieurs types de béton dont le béton de ciment, le béton de chaux, le béton bitumineux et bien d’autres.

Il serait peu de dire que la majorité des bâtiments urbains en Afrique subsaharienne sont construits en béton de ciment. Avant d’aller plus loin nous devons d’abord connaître l’histoire de ce matériau.

Histoire du béton de ciment

L’ancêtre du béton est le pisé ; c’est un mélange de granulats et de terre servant de liant. On peut aller remonter le temps et trouver une origine plus lointaine du béton à l’époque de l’empire romain dans un matériau nommé opus caementicium [1]

Néanmoins, le pisé à traverser les âges et est revenu à l’usage en France à partir du XVIIIe siècle. C’est au cours de ce siècle que Louis Vicat a découvert une mixture avec de meilleures propriétés liantes que la terre (argile).

Selon Wikipédia « La découverte du ciment artificiel est attribuée en France à Louis Vicat, jeune ingénieur de l’école nationale des ponts et chaussées. En 1818, il fut le premier au monde à fabriquer, de manière contrôlée, des chaux hydrauliques dont il détermina les composants ainsi que leur proportion. Préférant la gloire d’être utile à la fortune, il publia le résultat de ses recherches sans déposer de brevet ». En voilà un esprit de partage et d’amour de l’évolution scientifique.

Ce n’est que presque un siècle plus tard que Jules Bied découvre le ciment à base de calcaire et de bauxite. Une composition qui se rapproche plus de multiples formules de ciment que nous avons aujourd’hui.

L’utilisation du ciment comme liant  dans la technique du pisé améliorée donne naissance au béton d’aujourd’hui. Le béton fournit une bonne résistance à la compression et une beaucoup moins bonne résistance à la traction (de l’ordre de 1/10). L’usage de la forme du béton de ciment la plus répandu est le béton armé : un matériau composite qui tire le meilleur des caractéristiques mécaniques du béton (compression) et de l’acier (traction et compression) avec de faibles pourcentages d’acier. Cette composition a été découverte par Joseph Louis Lambot.

Il est à remarquer que malgré les participations des chercheurs de parts le monde les plus grandes avancées vers le béton d’aujourd’hui sont françaises.

Comment la construction en béton est-elle arrivée en Afrique ?

Je vais aller droit au but et répondre à cette question : C’est par le biais de  la colonisation.

PS : Mon article n’a pas pour but de discuter les « pro and cons » de la colonisation mais juste de relater les faits et de tirer des interprétations et conclusions.

En prenant l’exemple du Togo, les premiers bâtiments modernes datent de l’occupation allemande. Cette occupation naquit avec le traité de protectorat signé entre un roi local (Mlapa III)  et l’Allemagne, en 1884, afin d’assurer la sécurité d’une nouvelle ville naissante contre la couronne anglaise qui occupait le pays voisin (Gold Coast : actuel Ghana). Cette ville deviendra plus tard la capitale du Togo : Lomé (pour plus d’informations sur ce sujet : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lom%C3%A9  ). Les Allemands, une fois installés, commencèrent donc à construire des édifices à usages administratifs, commerciales et autres. Sans entrer dans un cours d’histoire avec des termes appropriés, je dirais que le Togo devint une colonie française après la première guerre mondiale. Les Français, à leur arrivée, décidèrent de construire assez d’ouvrages afin d’évincer la réputation des précédents colons. C’est ainsi que les français se lancèrent dans la construction de plusieurs édifices dont des hôpitaux et des églises. Toutefois, pour ce qui est du Togo, les premiers bâtiments en béton ont été construits par les Allemands. Ces derniers ont connu l’usage du béton après l’achat de la licence à un entrepreneur français  Joseph Monier. Les français ont néanmoins construit plusieurs ouvrages.

L’usage du ciment  date tout de même d’un peu plus loin dans le temps. Le plus vieux bâtiment au Togo que je connaisse et dont la construction a fait usage de ciment est la maison d’esclave à Agbodrafo qui porte le nom de Wood Homé (« la maison de Wood » en mina). Cette maison a été construite peu après 1835.

Comment construisons-nous avant l’époque coloniale ?

Tout comme l’occident nous avons des procédés de constructions qui ont traversé les âges. Ces savoir-faire sont transmis de génération en génération. Ces procédés sont peut-être moins modernisés mais ils existent bel et bien. Nos ancêtres construisaient leurs maisons à base de terre et de bois. La terre était traitée et améliorée de sorte à ce que les édifices soient autoportants . Il existe plusieurs manières de traiter la terre en fonction des besoins, des cultures et de l’environnement à travers l’Afrique noire. Dans certains de ces procédés le bois est utilisé comme structure porteuse et la terre traitée comme remplissage. Ces procédés ne sont peut-être pas basés sur des expériences scientifiques  mais découlent de l’expérience des usages au quotidien.

[2]

Pourquoi avons-nous délaissé ces procédés de constructions et sommes-nous passés au béton ?

Selon moi, la réponse à cette question est à trois volets.

Premièrement, il est évident que le béton est plus résistant que les mixtures à base de terre. En travaillant pour les constructions des ouvrages conçus par les colons, les peuples colonisés se sont sûrement rendu compte de cela.

Deuxièmement, l’état d’esprit dans lequel étaient mis les peuples colonisés leur fait penser systématiquement que le colon est supérieur et donc sa façon de faire est donc la meilleure.

Troisièmement, c’est le phénomène de la mondialisation. la mondialisation est l’accélération des mouvements et des échanges dans tous les domaines et dans le monde entier.

Était-ce là un bon choix ?

D’un côté je dirais oui, car il n’est pas très judicieux de refuser le progrès. En embrassant les pratiques de l’occident en matière de constructions, les colonisés ont gagné en savoir-faire et ont essayé de prendre le train de l’évolution.

D’un autre côté, aujourd’hui les ex colonisés sont assez instruits pour faire preuve d’esprit critique sur des techniques scientifiques autrefois uniquement occidentales. Nous sommes tout à fait aptes à user du béton au besoin et de garder en vie nos cultures de constructions ancestrales que nous pouvons améliorer par la science.

Si le béton est plus résistant, pourquoi retourner à la construction en terre et bois ?

Le béton est certes plus résistant mais ils possèdent des inconvénients qui ne sont pas négligeable. Ceci est le cas pour tous autres matériaux. Il faut donc trouver un juste milieu à l’usage de chacun. Afin d’avoir une vue d’ensemble voici les avantages et inconvénients des quelques matériaux.

Avantages et inconvénients du béton et de ses alternatives en Afrique subsaharienne (terre, bois,…)

Voici une liste non exhaustive des avantages et inconvénients du béton, de la terre et du bois. Il est à noter que chacun de ces matériaux peut se présenter sous différentes formes. Je ne donnerai ici que les avantages et inconvénients généraux propres à chaque matériau sans rentrer dans les détails de leurs divers États.

Matériaux Avantages Inconvénients
Béton

– Résistance : bonne résistance ;

– Standard :  la formulation de base est unique et répandue (elle varie néanmoins pour des besoins précis).

– Pas écologique : la fabrication du ciment pour le béton produit une grande quantité de gaz à effet de serre et consomme beaucoup d’énergie ;

– Confort : mauvaise inertie thermique et faible hygrométrie. ;

– Autres : la démolition nécessite beaucoup de moyens matériels (et donc financier) .

Terre

– Écologique : nécessite moins d’énergie à la transformation et est facilement recyclable ;

– Abondant : disponible localement et même sur le chantier. disponibilité équivaut à faible coût ;

– Durabilité : Résiste au temps sous conditions d’entretien ;

– Confort : possède une bonne inertie thermique, régule l’hygrométrie et apporte une isolation phonique ;

– Autres : résistant au feu, aux champignons et moisissures.

– Résistance : faible résistance ;

– Entretien : nécessite un entretien plus fréquent ;

– Disparité : La composition de la terre varie selon la région. Il n’y a donc pas de terre standard.

Bois

– Temps : temps d’exécution court ;

– Abondant : disponible localement en Afrique subsaharienne.

– Entretien : nécessite un entretien régulier car sensible aux moisissures et aux champignons ;

– Confort : mauvaise inertie thermique ;

– Autres : mauvaise résistance au feu.

 

Abdel-Haq OURO-SAMA

Ingénieur calculs de structures / Ingénieur CHEBAP

[1] opus caementicium : était une maçonnerie de blocage constituée par un mélange de mortier et de pierres tout venant (appelées caementa, moellons, fragments de pierre, déchets de taille) coffré à la manière du pisé entre deux banches ou entre deux parements dressés avec soin faisant office de coffrage perdu.

[2] http://www.cabane-en-hauteur.fr/construction-cabane-africaine/




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